La Boussole chromatique
Christophe Drodelot
Essai
Résumé
Les relations entre les couleurs ne sont pas moins réelles que les couleurs qu’elles impliquent. Le reconnaître, c’est éviter la sempiternelle erreur qui les réduit à des illusions d’optique. Mais c’est surtout se demander en quoi elles consistent. A l’instar des intervalles musicaux, les relations chromatiques peuvent être étudiées et c’est avec la « Boussole chromatique » que se dévoile leur singularité : en tant que passage d’une couleur à une autre, elles sont des distances autant que des directions.
Mais l’expression chromatique n’apparaît qu’à partir du moment où ces dimensions libèrent leur potentiel : depuis leurs variations inséparables et hétérogènes, elles génèrent des forces. La couleur est en ce sens polyphonie. Quelles conséquences pour l’expression picturale ? Car si d’autres composantes, comme les surfaces ou situations spatiales, expriment également des forces, sur quoi se fondent leurs communications ? Et comment rendre compte de leur combinaison ? Il est évident que ces questions s’inscrivent dans une tradition ; un exemple emprunté à Paul Klee illustre cette problématique. Cependant, il reste à montrer comment des forces complexes et divergentes peuvent, néanmoins, constituer un ensemble harmonieux. S’engager sur cette voie conduit inévitablement à questionner notre façon de les sentir.
Les perçoit-on séparément ? Mais alors elles sont des forces spécifiques qui s’incarnent en éléments matériels. Les perçoit-on simultanément ? Dans ce cas, elles sont des forces anonymes qui existent en puissance. C’est à la lumière de l’expérience que nous faisons de leur ambivalence que s’éclaire le paradoxe pictural.